Sorte d'adaptation de Mme Bovary, l'histoire se passe pendant la première guerre mondiale en Irlande, où Rose Ryan, une jeune fille d'un petit village, est éprise de Charles, l'instituteur, beaucoup plus âgé qu'elle. Sa tête est pleine d'espérances et d'idées romantiques que son mariage avec Charles ne comblera pas. Un jour arrive un beau major anglais...
Mes impressions sur ce film sont assez
étranges, je crois que j’ai décidé de vraiment l’aimer au bout de 1h30
de visionnage (sur 3h10). C’est comme si plus le film avançait, meilleur
je le trouvais.
Bien sûr je ne veux pas dire que la première
partie n’a pas ses qualités, loin de là, mais il y avait pas mal de
longueurs qui m’ont assez refroidie. Le film commence très bien, avec
ses magnifiques paysages irlandais, notamment un superbe plan des Cliff
of Moher, et d’ailleurs ce paysage
et la mise en scène aident a compenser les moments plutôt plats.
J’aime comment Lean s’est servi de son environnement pour illustrer son
histoire, notamment lorsque Rosy et le Major se retrouvent dans la forêt
: je crois que je garderai en mémoire ce plan sur les deux fils
d’araignée pendant longtemps. C'est une scène chargée d'érotisme qui fît accuser Lean de faire de la pornographie, bien qu'on en soit loin. Et puis il y a cette fameuse scène de
tempête, où tout le village se rend sur la plage pour récupérer des armes illégales perdues dans les vagues! C’est comme si les grands espaces appelaient Rose et
l’incitaient à quitter ce village paumé.
Je pense que le film prend un premier envol
lors de la rencontre entre le major et Rose, car non seulement elle met
fin à un début assez longuet, mais aussi car elle est extrêmement
percutante, on est surpris par la foudroyance de la passion.
J’ai beaucoup aimé la seconde moitié du film car
l’apprentissage de Rose se fait plus concrètement, elle mûrit et mesure
l’étendue des conséquences de ses actes. Si la première partie du film
est plus empreinte de rêveries, celles de Roses mais aussi celles de
Charles (superbe scène onirique sur la plage, cf photo ci-dessous), la seconde est faite de
répercussions réelles, avec notamment le lynchage de Rose, orchestré par tout ce
village de tarés.
Le film brode en fil rouge cette réflexion
sur la différence, avec sur un premier plan évident, Michael, rejeté par
le village pour ses handicaps mentaux et moteurs, et dans un second
temps, Rose, qui en fait a toujours été différente mais ne fut rejetée
que lorsque elle a « consommée » cette différence avec le major.
D’ailleurs Rosy comprend enfin la situation que Michael a toujours
connue à la fin du film, dans une scène de rédemption qui pourrait être
celle de la morale finale dans un conte.
Ce qui est plutôt tragique c’est de voir les habitants du village penser
qu’ils sont la normalité, alors qu’ils ont tous l’air de dégénérés
échappés de l’asile. Le père Hugh accuse l’oisiveté de les abrutir, moi
je parierais sur des raisons plus profondes, hahaha…
Le film peut compter sur de belles
interprétations, si Sarah Miles est parfaite, j’ai été plus que ravie de
voir Mitchum dans ce rôle en contre-emploi. Qui aurait cru un jour que
je trouverai Robert Mitchum ennuyeux et ordinaire! J’ai un peu plus de
réserves sur le major (Jones), même si son passé douloureux lui donne un côté
mystérieux et fragile intéressant, je n’ai pas pu m’empêcher de le
trouver un peu mou.
Certains qualifient ce film de grande passion, mais pour moi, l'enjeu principal ne se situe pas dans cet amour adultérin, mais bien dans le personnage de Rose, que cette liaison, associée aux autres événements du film, va faire grandir. Je dirais que j’ai davantage apprécié ce film
avec un peu de recul, on réalise qu’il est constitué d’une foule de
belles choses et de messages, transmis par la magnifique mise en scène
de Lean, sans doute son film le plus personnel.
Note: 8/10
La fille de Ryan de David Lean (1970)
Avec Sarah Miles, Robert Mitchum, Trevor Howard, Christopher Jones, John Mills, Leo McKern
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