Les trentre-neuf marches est sûrement le premier film d'Hitchcock a avoir été considéré comme un chef d’œuvre. Il est plutôt surprenant de constater
qu’un film considéré comme un classique du film d’espionnage trouve son
principal intérêt dans le comique.
Je m’explique. Une belle femme s’invite chez
le héros, prétendant être une espionne (ce qui n’est pas une information
qu’on lâche si facilement d’habitude), et lui demande à manger et là, monsieur lui fait cuire du haddock pendant qu’elle raconte
une histoire sur un homme amputé du petit doigt… Du haddock?!! Deux
minutes plus tard, cette même femme s’écroule sur le lit du gentleman
dans une scène de mort aussi irréaliste que drôle. Notre héros doit fuir. Et là je me suis dit "Attends, c'est ça les 39 marches?". Je ne m'attendais pas à un démarrage aussi insolite.
Les trucs géniaux s’enchaînent ensuite dans
les scènes de fugue, comme un moment de complicité avec la femme d'un faux-jeton de fermier, ou un discours politique improvisé qui enthousiasme
la foule, moment propice pour Hitchcock pour y faire figurer son
plaidoyer pour la paix…(n'oublions pas qu'en 1935 les pays européens se guettent...)
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Le sagouin de fermier et sa femme au bon cœur |
Enfin le plus grand atout du film c’est sans aucun doute son duo
d’acteurs formé par Donat et Caroll, grand classique du couple
querelleur qui n’est pas sans rappeler les heures glorieuses de Gable et
Colbert dans New York-Miami sorti un an plus tôt. Les scènes à
l’auberge, menottés, sont de toute beauté; on peut d’ailleurs déjà y voir le goût
qu’avait Hitchcock pour la dissimulation de scènes érotiques dans ses
films (je pense notamment au moment où elle retire ses bas). A noter
aussi la femme romantique de l’aubergiste, elle est bien mignonne quand
elle rembarre les deux zozos qui poursuivent nos héros. Je crois que
j'ai un faible pour les braves gens au cœur noble et innocent...
aaahh...
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Carroll et Donat |
Le dénouement de l’intrigue n’a finalement
que peu d’importance après tout ce bazar, et même si le questionnement
autour des 39 marches ne trouve qu’une explication au goût d’inachevé,
on s’en fiche, on s’est bien amusé.
J'ai vu beaucoup de films d'Hitchcock avant de voir enfin celui-ci (26 pour être exacte), et c'est étonnant de constater que sa période anglaise faisait beaucoup plus dans la comédie que sa période américaine, plus centrée sur le suspense (je pense notamment aussi à Une femme disparaît, film d'espionnage comique mais engagé de 1938, que je vous conseille ardemment).
Note: 9/10
Les 39 marches d'Alfred Hitchcock (1935)
Avec Robert Donat, Madeleine Carroll, Lucie Mannheim, Godfrey Tearie, Peggy Ashcroft