L’heure suprême fait partie de ces films
qui te donnent envie de croire à la faisabilité de l’utopie, à un
septième ciel accessible, à une fatalité heureuse inévitable.
Borzage est le maître du muet mélodramatique qui rend heureux, il est un des rares à rendre le mièvre crédible et attendrissant alors que tant d'autres le rendent insupportable.
Une ex-prostituée et un balayeur de rue vivant d'amour et d'eau fraîche dans une chambre mansardé de Paris à la veille de la première guerre mondiale, appartement représentant un havre de paix au septième ciel, parmi les étoiles et la bienveillance de Dieu. Lorsque Chico s'en va en guerre, il promet son amour éternel à Diane...
Si le mélodrame est souvent aujourd'hui un terme péjoratif quand on parle de film, il était à l'époque un genre prodigieux que je chérie. L'Aurore, La valse dans l'ombre, L'isolé... tant de chef d'oeuvres bouleversants et inégalables, occupant de ce fait une place tout à fait unique dans le patrimoine cinématographique.
Après avoir vu L'heure suprême, tu gonfles tes poumons, essuies tes petites
larmes, et pendant un moment tu crois que toi aussi tu vas l’avoir ton
appartement dans les étoiles. Et pendant ce moment, jamais tu vas te
rendre compte que tout ça c’est des conneries, de la niaiserie
dégoulinante pleine de bondieuseries.
Non, tu ne vas pas y penser, à la place tu
vas te dire que tous les jours devraient être comme ça, que Borzage a
réussi à capturer l’Idéal sur sa pellicule. Tu vas oublier toute la
noirceur de la société qui t’entoures, oublier la crise, oublier ta
recherche d’emploi, oublier que tout ce que tu manges finira par te
filer le cancer. A la place tu vas te rappeler pourquoi tu adores les
films, tu sentiras la béatitude t’envahir telle une drogue et tu te
demanderas pourquoi est-ce que tu n’en prends pas tous les jours.
P.S : Miam miam Charles Farrell.
Note: 10/10
L'heure suprême de Frank Borzage (1927)
avec Janet Gaynor et Charles Farrell